« Fairview. » C'est quoi ce délire ? J'ai cru que c'était une blague, mais non. Quand mes grands-parents nous on dit ça et que l'on changeait de continent. Ma petite sœur n'a rien dit, elle rêvait déjà de l'Amérique, moi je me suis murée dans un silence pendant tout le voyage. Devant la maison j'ai regardé autour de moi, ces gens à côté avaient l'air de sortir d'une publicité pour des céréales ou une tarte aux pommes. Je suis rentrée dans la maison sans rien dire en lançant mon sac sur le lit. Je n'aimais pas cette chambre. Mais là où je me sentais bien c'était dans ce lycée professionnel dans lequel mes compétences culinaires s'amélioraient de jour en jour. « C'est vous qui faîtes vraiment ça ? » Je me retournais alors que j'allais franchir la porte de la maison. Dans mes mains une boîte comportant ce que j'avais fait pendant le cours : des cupcakes de toutes les couleurs et au chocolat. « euh...oui. » Je n'avais adressé la parole à personne depuis mon arrivée, j'étais même caractérisée comme la petite-fille des Englow désagréable alors que ma cadette était la petite vedette de la rue. « Je serai content d'être de temps en temps cobaye. » J'arquai un sourcil alors qu'il souriait en me fixant. « C'est de la drague ? » Je n'avais jamais eu une seule relation amoureuse, du moins je n'étais pas très douée pour comprendre les sous-entendus flatteurs. « Peut-être. » Il rigola avant de repartir chez lui, en face de la maison où j'habitais. Drôle de ville, drôle de voisin. Je rentrai avant de croquer dans un de mes cupcakes et sans comprendre pourquoi je ne pus m'empêcher de rire en pensant à sa déclaration.

« Pour le meilleur et pour le pire. » Le prêtre avait prononcé ces mots alors que je regardais Eliott dans les yeux. Je n'arrivais pas à croire qu'aujourd'hui je me mariais, pourtant c'était bien moi dans cette robe blanche ! C'était il y a un an et demi et je me sentais poussé des ailes. Je travaillais depuis peu dans une pâtisserie dans un coin de la rue qui avait un certain succès et j'épousais celui qui avait osé m'adresser la première fois la parole dans la rue quelques années auparavant. Je souriais, j'étais heureuse, apaisée par toute la douleur qui me hantait depuis l'adolescence. J'allais construire un foyer, donner tout l'amour que je pouvais. Un bonheur parfait. Tout le monde rêve d'avoir ce genre de mariage avait une personne qui vous aime pour ce que vous êtes. Je voyais dans ses yeux bleus un réconfort que je cherchais. On a fêté ce mariage comme il se devait avec nos proches et j'ai commencé à rouler des jours paisible en tant que Madame Englow. Qui aurait pu croire que quelque chose aurait mal tourné ? Qu'en l'espace de quelques heures vous vous retrouvez suspendu dans le vide angoissant ? Dire que la veille je lui avais murmuré les mots : « je t'aime » alors que je le regardais s'endormir avant de me blottir dans ses bras.

« Ne me laisse pas. » Je serrais sa main alors que mes sanglots éreintaient ma voix. Un procès qui aurait du bien se dérouler, une affaire qui aurait du être sans encombre et pourtant il avait suffit qu'on laisse entrer un ami de l'accusé pour que tout déraille. On m'avait appelé au travail, ma collègue avait tendu le téléphone avec un visage de tombe et quand on m'avait dit qu'Eliott venait d'être emmené d'urgence à l'hôpital car on lui avait tiré dessus, j'ai cru que le sol venait de s'effondrer. En arrivant on m'avait dit que le pronostic vital était engagé, que ce n'était pas sûr qu'il puisse survivre et pourtant... Tous les jours je suis resté à ses côtés, tous les jours j'ai guetté un geste, tous les jours je lui parlais comme si rien ne s'était passé. Puis, il s'est réveillé. Avec des séquelles, une perte de mémoire de un an. Il me parlait du mariage qui avait eu lieu, hier pour lui. Tout de suite on m'a dit qu'il ne faudrait pas tout lui dire pour éviter un gros choc. Je ne pouvais pas lui mentir, j'ai essayé d'aller doucement. Ma crainte a des effets négatifs sur notre couple, il ne comprend pas que je puisse être inquiète, il ne comprend pas combien j'ai eu peur. Lui qui me parle de projets d'avenir, d'enfants alors que moi je ne me souviens que de la peur que j'ai eu de le perde... Chaque matin quand il prend sa mallette, j'ai l'estomac qui se noue.